Tuesday, December 15, 2009

LE CULTE DU DIRECTEUR PHOTO EN GENERAL, ET DE CONRAD HALL EN PARTICULIER




Il fut un temps où, à l'exception des gens oeuvrant dans l'industrie du cinéma et des cinéphiles les plus avertis, peu de gens portaient attention aux noms de techniciens (directeurs photo, monteurs, etc.) défilant au générique d'ouverture des films. Mais depuis la révolution DVD, l'ajout de suppléments de toutes sortes (entrevues avec les techniciens, commentaires du réalisateur et autres "making of ") a permis à bon nombre d'artisans de l'industrie de sortir de l'ombre et de voir leur contribution enfin reconnue à leur juste valeur (et autrement que par une hypothétique nomination aux oscars).

Certains techniciens et artisans ont même ainsi atteint le statut de super star dans leur domaine respectif (Tom Savini pour les effets spéciaux gore des films de zombie à la DAWN OF THE DEAD, la monteuse Thelma Schoonmaker pour son association avec Martin Scorsese, etc). Depuis une vingtaine d'années, les directeurs photos ont bénéficié de cet engouement, jusqu'à voir un magazine américain leur être entièrement consacré (l'excellent (mais très technique) AMERICAN CINEMATOGRAPHER). Au fil des années, on y a tracé le portrait des "maîtres de la lumière" que sont Gordon Willis (directeur photo du PARRAIN et fidèle collaborateur de Woody Allen), Vittorio Storaro (APOCALYPSE NOW), Roger Deakins (FARGO, NO COUNTRY FOR OLD MEN), etc. En 1992, un excellent documentaire (VISIONS OF LIGHT) leur a même été consacré.

Pas surprenant, donc, de constater que certains directeurs photos font l'objet d'un véritable culte auprès des cinéphiles. C'est le cas du légendaire Conrad L. Hall, qui s'est particulièrement illustré par son perfectionnisme et son audace, repoussant constamment les conventions afin de révolutionner la façon de raconter une histoire et de mettre en image la vision du réalisateur.

CONRAD HALL (1926 - 2003)

"Sometimes I would dare Conrad Hall to try something unconventional. He would ALWAYS do it !" (Parfois je mettais Conrad Hall au défi d'essayer quelque chose de non conventionnel. Il le faisait TOUJOURS !) Gerd Oswald (Realisateur - The Outer Limits)

Fils de James Horman Hall (ex-pilote durant la Première Guerre mondiale qui allait ensuite écrire le classique roman MUTINY ON THE BOUNTY adapté au cinéma en 1962 et sur lequel son fils Conrad travailla comme caméraman), Conrad Hall connut une enfance idyllique à Tahiti, où s'étaient installés ses parents. Des années plus tard, il fréquenta l'University of South California, d'abord en journalisme, puis en cinéma. Diplôme en main mais sans emploi, il fonda avec deux autres diplômés une petite compagnie de production et, pour leur premier film, ils choisirent de laisser au hasard le soin de décider qui serait réalisateur, producteur et caméraman en écrivant ces mots sur trois papiers qu'ils déposèrent dans un chapeau. Hall tira du chapeau le papier sur lequel était écrit "caméraman », et, comme on dit en anglais ... the rest is history !

Au cours d'une carrière échelonnée sur plus de 40 ans (dont dix années sabbatiques (1977 à 1987) durant lesquelles Hall fit fortune en tournant des commerciaux avec son collègue Haskell Wexler), le génie de Hall fut récompensé par trois oscars (BUTCH CASSIDY AND THE SUNDANCE KID (1969), AMERICAN BEAUTY (2000)et un oscar posthume pour ROAD TO PERDITION (2003) et sept nominations (IN COLD BLOOD, THE PROFESSIONALS, SEARCHING FOR BOBBY FISHER, MARATHON MAN, DAY OF THE LOCUST, MORITURI, TEQUILA SUNRISE). Durant sa carrière, Hall se distingua par son audace et son enthousiasme contagieux, se montrant toujours prêt à expérimenter des techniques rarement utilisées auparavant (scènes entièrement tournées au téléobjectif dans ELECTRA GLIDE IN BLUE (1973), utilisation de la lumière ambiante et sous exposition dans les scènes de bar du sous-estimé FAT CITY (1972) de John Houston, scène entièrement visuelle de l'assassinat de Paul Newman tournée le soir et sous la pluie battante dans ROAD TO PERDITION) (2003), en cherchant à chaque fois "l'accident magique », i.e. l'élément visuel additionnel (et parfois accidentel, puisque Hall aimait bien improviser avec ce qui se présentait devant lui) qui augmentera l'impact d'une scène, comme le plan célèbre des "larmes" reflétées sur le visage de Robert Blake dans IN COLD BLOOD (voir extrait ci-dessous).

Les "larmes" de Robert Blake dans IN COLD BLOOD (1967) - (a partir de 1:12) :



Dans le documentaire VISIONS OF LIGHT (1993), Conrad Hall raconte la conception de cette image inoubliable (a partir de 3:10)



Pour le film FAT CITY (1972), Conrad Hall, qui désirait donner au film un look hyper réaliste, choisit d'utiliser le plus souvent possible la lumière ambiante et filma à leur insu des non acteurs (dans la séquence d'ouverture ci-dessous), histoire de capturer des images bien réelles "... of life going down the drain" (la grande misère), ce qui est le thème du film



Dans l'épisode THE FORMS OF THINGS UNKNOWN de la série THE OUTER LIMITS, le réalisateur allemand Gerd Oswald et Conrad Hall nous en mettent plein la vue en matière de délire visuel expressionniste (dont un plan très "Bergmanien" à 1:51):



FILMOGRAPHIE SELECTIVE DE CONRAD HALL :

- Episodes de la serie THE OUTER LIMITS (AU-DELA DU REEL) (1964)
- MORITURI (1965)
- INCUBUS (1966)
- COOL HAND LUKE (1967)
- HELL IN THE PACIFIC (1968)
- TELL THEM WILLIE BOY IS HERE (1969)
- BUTCH CASSIDY AND THE SUNDANCE KID (1969)
- FAT CITY (1972)
- ELECTRA GLIDE IN BLUE (1973)
- THE DAY OF THE LOCUST (1975)
- MARATHON MAN (1976)
- BLACK WIDOW (1987)
- TEQUILA SUNRISE (1988)
- CLASS ACTION (1991)
- JENNIFER EIGHT (1992)
- IN SEARCH OF BOBBY FISHER (1993)
- LOVE AFFAIR (1994)
- A CIVIL ACTION (1998)
- AMERICAN BEAUTY (1999)
- ROAD TO PERDITION (2003)

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